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Lumières de nuit

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Lumières de nuit

Silence que je chéris, entends-moi !... Perdu dans ton abîme, reculé du bon sens, stationné dans la marge d’un cahier griffonné de lieux communs inutiles et ravageurs, je n’ose m’imposer le noir… Je me mens pour ne pas sombrer, me retiens sur terre et me cramponne à la vie par la grâce de quelques images et musiques qui me nourrissent et m’imposent de respirer cet amour invisible essence de vie! Je me cache du jour, des regards et de moi-même… je fuis toute présence, m’accommode des bruits de la ville et fuis les gens comme le seul danger… La bêtise que je ne sais plus comment combattre, grandissante et adulée, m’a offert la solitude… j’en jouis à chaque instant par la plénitude des pensées sauvages, fécondes, immorales et salvatrices qu’elle m’apporte ; isolé, je me suis tue…
Je n’accepte que les lumières de la nuit lorsqu’il me faut sortir… les confondant volontairement avec les étoiles, pour me rappeler qu’un monde est là, énorme, gigantesque, fabuleux d’émerveillement et de surprises, sans cesse renouvelé pour qui sait ouvrir les yeux !
Rongé par ce doute lucide et fondé, ayant encore faculté de voir et d’entendre, je m’anime par cette sève animale qui coule en moi et s’élève silencieusement contre mes peurs, me chuchotant que tout cela n’est pas vrai, qu’ils ont raison ; qu’on ne peut pas aimer aussi fort le vent frisant l’onde de l’eau, une main qui se tend quand tous les regards se baissent, deux corps qui se serrent l’un contre l’autre, un enfant riant sous un bras qui protège, qu’on doit étouffer un cri qui retentit lorsqu’on massacre en silence… qu’on ne peut redécouvrir l’amour pour une voix portée par les anges faisant de son interprète le maillon essentiel entre mon âme et la création divine !... et pourtant, prisonnier depuis ce soir là où je vous ai entendu chanter, que dis-je « chanter !», habitée comme vous l’étiez, portée sans doute par toute votre vie, la composition s’est envolée comme jamais, c’est ce que j’ai entendu, ressenti… oui j’ai vibré comme jamais pour vous ce soir-là… vous m’avez alors volé toutes mes larmes, celles qui me viennent quand la beauté vous émeut au point qu’elle vous nettoie le corps par les pleurs de toutes ces choses vilaines ancrées en vous, sans cesse lacérées, jamais cicatrisées, chaînes rouillées de cette liberté rêvée d’être enfin soi-même loin de la méchanceté des hommes !
Alors je me suis blotti contre vous, pour fuir et me suis enfermé à jamais ; c’est ce que je voulais, là et maintenant… mon être frissonne et tremble encore de cette étrange vibration d’intemporelle universalité, me secoue les entrailles, entre douleur et joie, m’affligeant de la responsabilité de la beauté du monde moi qui n’ose pas même une seconde crier, hurler alentour que l’essentiel est là dans ces instants si riches de vie et d’amour !… ces hurlements retenus me volent toutes mes larmes et je ne sais plus aimer autrement qu’en riant, me moquant de moi-même qui succombe encore et encore sans savoir pourquoi à la vue de choses simples, sincères et si pures, juste, m’apparaissant alors justement harmonieuse avec ce présent que je rêve comme un éternel imprévu…
Par peur d’imploser, je me cache dans la nuit pour fuir ce que je ne veux plus… être ! Est-ce ma dette à payer que de m’émouvoir sur tant de simplicité, de subir cette conscience de vie sur tout ce qui tombe sous mon regard !?

Il me faudrait cette nuit trouver un perce-cœur et crever cet abcès de honte impuissante et de douleur sensitive que je ressens devant toutes ces beautés… prôner l’ivresse et oubli… j’aimerais ouvrir les yeux à nouveau sur le reste du monde mais rien n’y fait, mes paupières restent closes…. je voudrais crier au secours, sans un bruit, sans espoir, tel ce naufragé seul au milieu de l’océan qui se sachant perdu tente encore de se nourrir de cet espoir… je promets, me mens, jure que ramené à la vie, je ne regarderai plus que le commun sans m’arrêter sans y penser, fuirai arrogance et vanité !.. Rien n’y fait, je construis mes pensées dans la pénombre et le secret du monde, je ne parle plus… ni à personne ou quoi que ce soit…
Ma solitude est un hommage que je me rends, égoïstement, une ode silencieuse au temps qui passe et que je laisse brûler comme un vide que je ne sais plus remplir dont je ne veux plus jouir ! Il me faut un essentiel, viscéral et charnel, sensuel, égoïste et personnel… sensuel, oui, comme un signe de vous ou d’ailleurs qui m’accorderait alors vie pour glorifier ce qui m’émeut !
Je dévore en silence les merveilles du monde et me remplis de vous, en attendant d’affronter la création divine dans un jour fatidique !
Textes et Images M.B.